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Amaremio
Sombre vision ou légende vraie





Avertissement :

Touchante histoire que celle qui suit, mais qui n'ira pas sans choquer les plus vertueux d'entre nous. Vision cependant intéressante de la façon dont un mythe peut devenir consistant.

Remercions les concepteurs d'Agone d'avoir fait naître la légende à laquelle il nous est possible de croire et restons prudent de la perversité qui pourrait se cacher dans cette fable : veillons à toujours cultiver la fantaisie, l'inspiration et l'imaginaire auxquels il n'est pas toujours bon de vouloir faire corroborer la réalité.

Nous nous devons d'être vigilants et avertis.

Les Eminences Sancti déclinent toute responsabilité quant au contenu de cette page et vous prient de bien vouloir vous en remettre à l'humour et la fantaisie qui justifient et ont inspiré ce qui suit.


Voici l'histoire d'Amaremio, farfadet invocateur de démons, vieil Inspiré et Harmoniste de la Geste dont l'esprit créatif semblait lui échapper inexorablement.

Amaremio, réfugié dans sa bibliothèque ne trouvait plus cette inspiration littéraire qui lui était si chère et lui valut tant de succès dans le passé. Après de nombreuses recherches et tentatives, il se résigna à s'en remettre à un Opalin, démon fin et délicat auquel les conjurateurs louent des vertus parfois étranges et contradictoires. Qu'importe se qu'on en dit, il se réjouissait des précieux atours et délicates manières de ces démons.

Méditant longuement sur l'éventualité qu'un Advocatus Diaboli puisse rejeter une connivence sur la base d'un terme risquant de lier le démon "à vie" à son conjurateur dans le seul but de l'aider dans ses travaux littéraires, Amaremio trouva enfin l'esquive parfaite pour que la signature se fasse dans les meilleurs termes. Mais qu'en exigera le démon en retour ? Certainement une lourde contribution. Mais Amaremio n'en était plus à cela près ! C'est sa vie, sa carrière et surtout son inspiration qu'il était en train de jouer. Cela valait bien les peines et efforts qu'il devra endurer pour satisfaire l'Opalin.

Se confortant dans cette idée, il s'attela à l'ouvrage, choisit une ombre élégante que la claire et diffuse lumière de la lune presque pleine accentuait… Le trait ceinturait l'ombre avec la perfection d'une main de calligraphe expert. La tache frémit. Se détendit. L'Opalin apparut, grand, puissant, impressionnant.

- Quel est ton vœu mon maître ? frémit sa voix profonde.
- Je veux que tu me contes les plus belles et riches histoires que tu connais jusqu'à ce que j'en retienne une pour ma dernière et plus fabuleuse œuvre littéraire"

Sceptique, étonné par une si inhabituelle requête et réfléchissant à sa faisabilité, l'Opalin l'accepta en ces termes :

- En échange mon maître, vous me conterez, pour chaque journée de labeur, une nouvelle histoire de votre monde"

Normal… à demande inhabituelle, requête inhabituelle. Amaremio se félicita néanmoins d'avoir conjurer un Opalin gourmand de culture et d'histoire. Les termes des exigences de l'un et de l'autre furent scellés sur la connivence de façon convenablement
détaillée.

Plusieurs années passèrent au cours desquelles Orth et Amaremio échangèrent histoires, contes et légendes jusqu'au soir ou l'Opalin confia cette étrange et fabuleuse vision qu'il dit avoir récemment vu en rêve (un Opalin qui rêve, est-il sérieux ou ment-il pour ne pas effrayer ?) et qui combla Amaremio :

"L'Inspiration quittait peu à peu l'Harmonde. Rares étaient ceux dont la flamme les habitait encore. Les Royaumes Crépusculaires changèrent du tout au tout sous l'emprise du Maître du Semblant, quasi victorieux : l'équilibre des natures du monde était instable, les jours devinrent plus courts, le monde subissait de grands cataclysmes,  la chaleur recouvrait les mondes, la lumière devint dangereuse et plus troublée.

Les hommes oublièrent les Muses, la Genèse, perdirent l'Inspiration. Les saisonnins devinrent des monstres chassés par les hommes. Une fois qu'ils les eurent tous exterminés, ils se soulevèrent contre leurs propres frères et leurs voisins. De grandes guerres éclatèrent et firent des ravages de les rangs des enfants du Masque.

Ne supportant que ses sujets ne s'anéantissent si radicalement, le Masque intervint pour trouver une solution. Il envisagea la seule solution qui s'offrait à lui : créer plusieurs domaines terrestres distants dans lesquels les peuples qui s'affrontaient s'épanouiraient entre eux, séparés par des océans. Pour cela, il lui fallait l'intervention des Abysses pour remodeler l'Harmonde, créer des continents plus vastes, transformer son domaine, modeler la terre de façon à ce que les sols où évolueraient les peuples soient séparés par l'océan. Seuls les Diables pouvaient convenir de l'aider dans cette énorme tache qu'était le remodelage des terrains du monde.

Il obtint l'alliance des Abysses en échange de la promesse des pouvoirs tant recherchés par ses habitants pour subsister plus longuement à la surface de ces nouvelles terres. Mais le Maître du Semblant est aussi celui de la traîtrise : dès que le monde fut transformé par les forces obscures des Abysses, il ne souhaita bien évidemment pas partager sa victoire avec ses alliés de l'ombre et voulut faillir à sa promesse.

Furieux de la duperie du Masque, les démons déployèrent des moyens colossaux pour parvenir à leurs fins en subsistant à la surface et ainsi se débarrasser de leur traître. Ils choisirent la meilleure arme qui leur fut offerte pour cela : la manipulation des hommes, jouet exclusif du Masque. Les démons en surface réussirent à convaincre quelques rares humains d'invoquer leurs pairs en échange de puissants pouvoirs tels que l'immortalité... et pour cause : ces connivences conféraient réellement l'éternité aux invocateurs, mais en enfer !.. Idée des plus perfides qui aurait certainement plut au Maître du Semblant.

D'invocation en invocation, les démons purent se répandre sur la terre et jouir d'une vaste liberté leur permettant de se vouer à leur vengeance tout en nourrissant les rangs des abysses des âmes de leurs mortels conjurateurs. Il leur fallait redoubler d'effort pour manipuler les hommes ou les détruire afin qu'enfin le Masque ne sorte de sa tanière, excédé par la destruction de ses jouets. Les démons ne manquèrent pas d'imagination pour cela : manipulations insidieuses des esprits des hommes, duperie, tromperie et mises en scènes qui octroyèrent à nouveau des guerres terribles où les hommes répandaient des flots de sang et laissèrent grand nombre de victimes derrière eux.

Le Masque dut employer des subterfuges toujours plus raffinés pour manipuler les hommes et les rallier à son combat contre les démons. Il devait être admiré et suivi par tous les hommes dans cette bataille. Il devait faire des Abysses les ennemis de ce que les hommes souhaitaient voir et entendre : un Guide, un Créateur qu'ils vénéreraient et aduleraient. Pour être convainquant, le Masque songea à quelques manifestations magiques d'ampleur, ce qui n'irait pas sans impressionner les hommes qui avaient perdu toutes les notions des Arts et de l'étincelle. Le Masque s'appliqua à son ouvrage, dans l'ombre de leurs esprits depuis qu'ils avaient perdu la flamme qui les animait autrefois.

Pour parachever son œuvre qui devait définitivement rallier les hommes à son combat contre les Abysses et officialiser sa paternité sur les hommes pour en être respecté, le Masque intervint et se montra au grand jour. Il rencontra et rallia ceux des hommes qui répandraient le mythe du "créateur", l'ennemi des démons. Il s'y employa à merveille, multipliant les interventions auprès des différents grands peuples des hommes, sur plusieurs continents que les démons lui avaient modelé. Il devint une légende entretenue, défendue et soutenue par des collèges entiers de croyants asservis et résolus à travers le monde. Ces rencontres furent interprétées, écrites, scellées, développées, multipliées, amplifiées au point que des armées entières se soulevèrent à travers le nouveau monde pour combattre les démons et les chasser de la terre.

Mais l'homme n'est que haine et violence. Les populations ne purent s'accorder sur la même interprétation du mythe de leur créateur au point qu'elles s'affrontèrent. Le Masque s'attacha alors à ce que l'interprétation la plus enthousiasmée de son propre mythe ne s'en répande que mieux à travers le monde afin que cesse la haine qui engendrait ce sang parmi ses enfants.

L'objectif du Masque fut cependant atteint : les démons luttèrent contre tous les hommes de toutes les obédiences pour échapper aux anti-conjurateurs qui érigèrent des sanctuaires magiques où ils ne purent pénétrer. Les hommes avaient des lieux consacrés à leur créateur où ils invectivaient les diables et démons, priaient pour anéantir leurs pouvoirs infernaux et protéger l'œuvre d'un Maître qui les avait pourtant dupé.

Le Masque s'en frottait les mains. Les démons furent chassés durant des millénaires mais redoublèrent d'effort pour persister à la surface de la terre et mener leur lutte à bien. Quelques diables robustes ou malins subsistèrent et se fondirent parmi les hommes et dans le décor qu'ils avaient eux-mêmes créé.

Le Masque, enfin débarrassé des démons et encore une fois victorieux, s'employa, pour se divertir, à concevoir des jeux auxquels se passionneraient les hommes et achèveraient de les corrompre. Des instruments de nature et de conception insoupçonnables au jour où je vous raconte cela, mon Maître, des distractions qui enthousiasmaient les hommes mais les rendaient toujours plus perfides, plus corrompus et plus dangereux à leur propre égard, des instruments auxquels ils vouaient une véritable admiration au point de les perfectionner eux mêmes pour finalement s'en empoisonner. Mais les jeux du Masque et l'ingéniosité que les hommes développaient à les perfectionner les en détournaient de leur foi pour leur "créateur". Ils formèrent et éduquèrent leurs enfants pour qu'ils en soient toujours plus intelligents, plus ingénieux et plus compétents à développer leurs instruments, au point qu'ils ne se préoccupèrent plus avec autant de ferveur à entretenir leur mythologie.

Le Masque ne s'en rendit pas immédiatement compte, trop absorbé par la distraction que lui offrait ses instruments perfides et il m'a d'ailleurs semblé, dans les dernières lueurs de cette vision, que les hommes conçurent un jeu où ils faisaient renaître eux-mêmes, par l'imaginaire et l'inspiration, la légende des Muses, de l'Harmonde et des Royaumes Crépusculaires. Seul un inspiré, une dernière flamme ayant échappé au joug du Masque peut l'avoir révélé aux hommes. Je n'ai vu que de petites assemblées d'hommes qui se divertissaient à raconter notre monde et à rêver qu'ils y vivaient, mais l'idée se propageait. Alors nous aurions peut-être trouvé l'arme qui redonnera l'inspiration aux hommes et leur révélera la vraie nature de leur condition et le vrai visage de leur créateur, le Masque…

Ne pleurez pas mon Maître, comme je l'ai vu, il reste encore un espoir… et tout ceci n'est qu'une histoire, une vision, une fable … c'est pour vous la conter que vous m'avez appelé."

Amaremio fut bouleversé par la qualité du conte. L'Opalin Orth avait remplit son contrat. Il remercia son invocateur et s'évanouît dans une ombre proche, ne laissant que quelques unes de ses larmes sur le sol.
 
 

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